Emily de New Moon

Après dix merveilleuses années d’une existence libre et presque magique aux côtés de son père, Emily Byrd Starr se retrouve soudain arrachée à son foyer et confiée à de lointains parents pétris de règles et de traditions dans la digne et rurale demeure de New Moon. Néanmoins, la fillette à l’âme indomptable est capable de faire face à tout, car elle possède un secret : elle écrit.

Décidée à devenir poétesse, elle trouve dans les mots une forme de résilience, une échappatoire à la tristesse, un moyen de déverser les trop-pleins d’un caractère sensible : véritable alchimiste, elle transforme le plomb du quotidien en or vaporeux. Armée de sa poésie et de son piquant sens de l’observation, elle explore le monde qui l’entoure, résout ses conflits et rend coup pour coup. Parfois d’humeur sombre, elle ne cède jamais au désespoir, car sa solitude est celle des poètes, de celles et ceux qui nourrissent leur feu intérieur de paysages, de vies et de détails, afin de rendre leurs pages incandescentes.

Si  les mots sont ses alliés, elle peut aussi compter, dans sa quête, sur des compagnons inoubliables : son attachant cousin Jimmy, que tout le monde prend à tort pour un idiot ; Ilse, son amie audacieuse au tempérament volcanique, qui ne croit ni en Dieu ni aux fâcheries qui durent ; Teddy, le jeune artiste qui doit cacher à une mère un peu trop protectrice ses aspirations, ou encore Perry, le garçon de ferme rugueux qui ferait tout pour Emily.

À mi-chemin entre une Jo March et une Mercredi Addams dotée de super pouvoirs, Emily Byrd Starr est une farouche et inoubliable créature littéraire.

Anne et Emily ont en commun d’être des orphelines arrivant dans un nouveau foyer, où certains les acceptent aussitôt et d’autres sont plus récalcitrants à se lier à ces petits êtres si différents d’eux. Elles partagent aussi cette si puissante imagination propre à l’enfance, qui est capable de les transporter bien loin du monde, même si elles savent toutes deux apprécier la beauté inextinguible de l’Île-du-Prince-Edouard. L’amitié et l’écriture en font enfin de secrètes correspondantes.

Cependant, si Anne est amicale et ouverte, toujours à la recherche d’une « âme sœur », Emily – si elle ne refuse pas l’amitié – est plus réservée, vigilante et soucieuse de sa propre ambition. Et contrairement à Anne, pour qui « tout va mieux » dès qu’elle franchit les portes de Green Gables (hormis quelques problèmes de manches bouffantes, de couleur de cheveux et autres menus bobos), Emily doit se battre tout le temps, elle doit composer avec un monde qui ne lui fait aucun cadeau, jamais.

Elle lutte contre la « fierté Murray » et les « traditions », elle se bat contre le ridicule avec lequel sa famille considère ses ambitions, elle se rebelle face à quiconque lui disant qu’elle doit se marier plutôt que de devenir écrivain, et elle se dresse contre les insultes que lui lancent ses proches. Elle résiste aux tirades enflammées de son amie Ilse, elle résiste aux moqueries de son professeur, elle tient tête à Tante Elizabeth lorsqu’elle est persuadée que celle-ci a tort, et elle aide son ami Teddy à faire face à sa mère. Les adultes qu’elle va devoir côtoyer ont tous eux-mêmes connu, sans exception, des combats qui les ont blessés.

« Le thème central d’Emily de New Moon, qui est peut-être même plus difficile à aborder que la confusion des sentiments, c’est le développement d’un enfant – d’une petite fille, de surcroît – qui devient écrivain.:» —:Alice Munro, prix Nobel de la littérature

Emily écrit ses joies, Emily écrit ses doutes. Elle écrit pour elle, mais aussi pour les autres. Elle sait être légère, ou tout à fait sérieuse. Quoiqu’il en soit, et sans l’ombre d’un doute, Emily souhaite devenir poétesse. Alors qu’importe le chemin qu’il reste à parcourir et les obstacles qu’il faudra surmonter pour dompter sa passion et transformer ses folles visions en véritables bijoux : ce chemin, elle n’a d’autre choix que de l’emprunter.

Emily de New Moon de Lucy Maud Montgomery est ainsi bien plus qu’un roman sur une orpheline qui va mettre à mal la rigueur de son nouveau foyer, c’est un hymne à la gloire de la création et au pouvoir de l’imagination, un chant vigoureux et galvanisant pour chaque apprenti écrivain, un livre qui montre une voie à suivre, faite de travail et de ténacité.

C’est le portrait de l’artiste en jeune fille, magnifiquement écrit et construit autour d’une héroïne aussi entêtée que passionnée, une poétesse revendiquée. Littérature farouche et intemporelle, ce roman unique est un merveilleux appel à ne pas céder, un élan à vivre pleinement ses rêves et ses passions.

Comment trouver sa place au sein d’une nouvelle famille:? Comment tisser des liens d’amour lorsqu’on a le cœur brisé:? Voilà deux questions épineuses auxquelles Emily devra répondre.

Petite orpheline faisant ses premiers pas dans un monde étrange et hostile à ses prises de liberté, il lui faudra en effet se créer un nouveau noyau familial. Et qu’on l’accepte, non, qu’on l’aime en retour:! Car la famille, c’est avant tout l’amour.

Du côté de l’école, Emily devra esquiver quelques vipères –:heureusement, l’adversité ne lui fait pas peur.

Et si son cœur trop tendre a du mal à repérer les embûches, elle peut compter sur la franchise et la fidélité de ses plus proches amis. Elle-même dévouée au bien-être des autres, Emily considère que rien n’est trop bon pour aider les personnes qu’elle estime.

Parmi les embûches, Emily devra se confronter à la mort. Autour d’elle, chacun fait son deuil comme il l’entend. On pleure, on se réjouit, on se rapproche, on s’éloigne –:il n’y a pas de secret, pas de bonne façon de se remettre de la perte d’un proche.

Ce qui compte, et surtout pour Emily, c’est de persévérer. Être capable d’aimer à nouveau malgré l’immense tristesse que l’on ressent, aimer sa nouvelle famille, son nouveau chaton, sa nouvelle maison.

Lucy Maud Montgomery [1874-1942], est l’autrice canadienne la plus lue au monde. Tout n’était pourtant pas bien parti. Une mère emportée par la tuberculose et un père qui l’abandonne à des grands-parents peu aimants à Cavendish, sur l’Île-du-Prince-Édouard.

Elle réagit en laissant libre cours à son imagination, qu’elle nourrit en s’adonnant à la lecture et à l’écriture. Mais sa famille désapprouve ces “gribouillages” qu’elle juge indécents pour une femme. Elle part suivre une formation d’institutrice et des études en littérature, mais doit mettre un terme à ces dernières pour des motifs financiers. C’est à cette époque toutefois qu’elle reçoit son premier cachet d’écrivaine.

À la mort de son grand-père, elle retourne vivre chez sa grand-mère pour veiller sur elle. Elle se consacre alors à l’écriture, tout en travaillant au bureau de poste local. En 1905, elle achève son premier roman, Anne de Green Gables. À sa sortie en 1908, c’est un immense succès.

En 1911, elle épouse un ministre presbytérien, avec qui elle aura trois fils, dont un meurt à la naissance, et déménage en Ontario. Ses rôles de mère et d’épouse de ministre lui prennent beaucoup de temps et d’énergie, sans compter la détérioration de la santé mentale de son mari, mais elle continue d’écrire.

En 1921, elle commence l’écriture d’Emily de New Moon, qu’elle considère comme son meilleur roman, et dont Emily Byrd Starr, l’héroïne, est largement inspirée de sa propre vie. Elle meurt à Toronto en 1942, après une longue période de maladie marquée par l’anxiété et la dépression.