Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.
La maison, cet édifice perdu au milieu des terrains vagues et des barres d’immeubles, avec ses trois étages et sa peinture blanche qui a viré au gris sale, est une sorte de pensionnat pour les enfants différents : déglingués et cabossés en tous genres, qu’ils soient en fauteuils roulants ou qu’ils rampent, la Maison est ce qui les réunit. Elle devient leur monde. La présence des adultes –:professeurs, éducateurs et parents:– y est discrète voire indésirable, et leur monde à eux, l’Extérieur, un endroit sans contours précis, et craint.
Tous les sept ans, les enfants les plus âgés devront rejoindre cet Extérieur, non sans appréhension. Mais en attendant, la Maison est leur foyer, leur terrain de jeu et leur champ de bataille. Entre ses murs, chaque pensionnaire se voit attribuer un nouveau nom et assigné à un groupe. Les enfants créent alors leurs propres lois, les transgressent, structurent ou déstructurent le temps, inventent et transmettent leurs propres traditions et coutumes, fabriquent des légendes, décident de leurs mythes fondateurs, et entre temps, mangent, boivent et fument dans leurs dortoirs plus ou moins crasseux. La Maison est ce microcosme aussi codifié que fantasmagorique, entre passage obligé et moment éternellement suspendu.
Ensorcelante évocation de l’adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d’amour à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et réaliste, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d’affronter la brutalité du monde qu’on appelle la réalité.
Traduit du russe par Raphaëlle Pache. Préface de Tristan Garcia. Format 13×19 cm. 1088 pages. Date de publication : 17 septembre 2020.


Zephyr, Alabama















Mariam Petrosyan est née en 1969 en Arménie. Après des études d’art, elle travaille vingt ans dans l’animation. En parallèle, elle dessine les personnages qui deviendront rapidement les héros de La Maison dans laquelle dont elle commence à écrire (en russe) certaines parties. Elle y travaillera une dizaine d’années, réécrivant le livre plusieurs fois, sans pour autant avoir l’intention de le publier. Vers la fin des années 1990, elle laisse le manuscrit à des amis.
L’ADOLESCENCE : Mariam Petrosyan parvient à capturer l’essence d’un âge intense, furieux, propice aux sentiments et aux rêves excessifs, en laissant vivre et divaguer des adolescents marginaux et malmenés par le sort.
Bloqués dans la Maison, volontairement parce qu’ils ne veulent pas grandir, ou involontairement parce qu’ils ne le peuvent pas, les gosses ont rafistolé leur propre mythe des Limbes. Ils espèrent squatter le plus longtemps possible dans l’éternité de l’instant adolescent. Ils ont abstrait toute la tristesse de leur environnement sordide, la grisaille et la misère. Ils les ont remplacées non par les couleurs vives de contes rassurants, mais par des mythes d’un noir profond, qui laisserait miroiter un autre côté du monde.
Fils de professeurs, Tristan Garcia naît à Toulouse en 1981 et passe une partie de son enfance en Algérie. Après avoir fait ses classes préparatoires littéraires au lycée Pierre de Fermat, il intègre l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et l’Université Paris-Sorbonne où il se spécialise en philosophie.









